L’impact du SPASER sur les marchés publics alimentaires

La commande publique constitue un levier incontournable pour impulser des changements de fond dans le développement des territoires, qu’il s’agisse de développement durable ou d’inclusion sociale.
Depuis 2021, le SPASER impose aux collectivités françaises dépassant un certain seuil d’achats annuels, de formaliser leur stratégie d’achats. Encore méconnu de nombreux acteurs, ce dispositif trouve une application concrète dans les marchés alimentaires de restauration collective, secteur également encadré par la loi EGAlim.
Explications.
Le SPASER : définition et cadre légal
Le SPASER (Schéma de Promotion des Achats Publics Socialement et Écologiquement Responsables) est un document stratégique obligatoire pour certaines entités publiques françaises.
Il fixe les orientations en matière d’achats responsables, tant sur le plan environnemental que social. Sont concernés les marchés de travaux, fournitures ainsi que services.
Le cadre juridique
Le SPASER est défini par l’article L2111-3 du Code de la commande publique. Cette obligation s’applique aux collectivités territoriales, groupements et établissements publics locaux dont le montant total annuel des achats est supérieur à un seuil déterminé par décret.
Initialement fixé à 100 millions d’euros, ce seuil a été abaissé à 50 millions d’euros par le décret n°2022-767 du 2 mai 2022. Cette modification a élargi le nombre de collectivités concernées par l’obligation.
Le SPASER doit être :
- Adopté par l’assemblée délibérante de la collectivité ;
- Rendu public, notamment par mise en ligne sur le site internet de la collectivité ;
- Révisé tous les deux ans.
Qui doit adopter un SPASER ?
De par les volumes de marchés publics qu’elles gèrent, certaines collectivités sont au cœur de ce dispositif : Régions, Métropoles, grands Départements, Groupements de communes importants, ou même établissements publics locaux dépassant le seuil indiqué.
On notera cependant que les acteurs publics en deçà du seuil des 50 millions d’euros peuvent tout à fait rédiger et publier leur SPASER, surtout si cette démarche les aide à formaliser une stratégie d’achats publics répondant à leurs enjeux territoriaux.
Forme libre et pluralité des stratégies
Comme son nom l’indique, le SPASER a vocation à définir des axes stratégiques sur deux volets principaux :
- Développement durable : produits bio, labellisés ou issus de circuits courts, saisonnalité, réduction des emballages, logistique verte, empreinte carbone etc. ;
- Clauses sociales et insertion : clauses d’insertion pour les personnels de livraison ou de préparation, ouverture de lots à des structures de l’économie sociale et solidaire (ESS), politique sociale des fournisseurs etc.
Cependant, le contenu du Spaser n’est pas imposé de manière stricte.
Aussi assiste t’on dans les faits à une appropriation importante par les acteurs clés de la commande publique, chacun étant appelé à identifier les objectifs prioritaires relatifs à son territoire, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes.
Les acteurs publics jouissent ainsi d’une liberté importante sur le choix de leurs orientations, la structuration des moyens, et l’intégration des opérateurs. C’est pourquoi certaines collectivités s’axent sur d’autres sujets, tels que le la santé, l’inclusivité, ou même le bien-être animal.
Par exemple, dans son Spaser 2023-2025, la Région Bretagne liste 3 grands chantiers :
- Garantir durablement la performance et l’innovation ;
- Accélérer les transitions écologiques et sociales ;
- Mobiliser les acteurs bretons.
Et la collectivité d’indiquer dans son édito : “Avec 21 engagements chiffrés et 19 engagements de publication sur les enjeux des responsabilités économique, sociale et écologique, ce SPASER 2023-2025 démontre une nouvelle fois le volontarisme de la Région Bretagne pour passer du discours aux actes” (SPASER 2023-2025 de la Région Bretagne).
Le SPASER et la restauration collective
Si le SPASER concerne toutes les familles de marchés, il constitue clairement un véritable outil de structuration des filières alimentaires locales et durables.
En effet, la restauration collective publique (cantines scolaires, établissements médico-sociaux, administrations) représente un volume d’achats significatif et régulier, avec une dimension territoriale forte. Ces caractéristiques en font un secteur particulièrement adapté aux objectifs du SPASER pour soutenir des filières agricoles durables.
Le SPASER vient ainsi renforcer et structurer ces dynamiques en les inscrivant dans une stratégie globale. Il permet d’assurer une continuité entre les politiques alimentaires territoriales (PAT) et les outils contractuels que sont les marchés publics.
En parallèle, la loi EGAlim impose déjà des objectifs ambitieux : au moins 50 % de produits durables et de qualité (dont 20 % de bio) dans les repas servis par la restauration collective publique. La réduction du gaspillage alimentaire est également au cœur de ces obligations.
Impact sur les marchés publics alimentaires
Après avoir proposé un diagnostic initial des achats, le SPASER va permettre de formaliser et structurer une approche des achats alimentaires responsables en :
- Définissant des objectifs quantifiés et mesurables ;
- Établissant des indicateurs de suivi ;
- Planifiant des actions concrètes sur plusieurs années ;
- Anticipant la révision à deux ans.
Cette vision, unifiée à l’échelle du territoire, peut avoir un impact considérable sur les pratiques achats des acheteurs publics, notamment au travers de la structuration des dossiers d’appels d’offres. Les nouvelles pratiques peuvent :
- Intégrer des critères environnementaux dans les cahiers des charges ;
- Inclure des clauses sociales d’insertion ;
- Adapter l’allotissement pour favoriser l’accès des TPE et PME ;
- Mettre en place des indicateurs de suivi avec les fournisseurs ;
- Définir des critères favorisant le circuit-court ;
- Favoriser les labels environnementaux (BIO, Label Rouge, AOP/IGP) ;
- Mentionner des exigences relatives aux emballages et à la logistique ;
- Intégrer la saisonnalité des produits ;
- Etc.
Pour favoriser l’accès aux marchés des producteurs locaux, de nombreux donneurs d’ordres choisissent d’adopter une stratégie d’allotissement plus détaillée : lots géographiques par secteur, volumes adaptés aux capacités locales, allotissement par type de denrées, ou encore souplesse sur les fréquences de livraison.
💡 Exemples de SPASER en ligne
De nombreuses collectivités ont publié leurs SPASER sur leurs sites web (Régions Bretagne où Ile-De-France, Département de la Gironde ou encore Métropoles de Lille ou de Nantes etc.) ; autant de documents qui peuvent servir de référence pour structurer votre propre stratégie.
Loin de n’être qu’un outil de communication institutionnelle, le SPASER constitue un levier opérationnel puissant pour faire évoluer les pratiques d’achats. Appliqué à la restauration collective, il permet de structurer une politique d’approvisionnement cohérente avec les objectifs alimentaires, sociaux et environnementaux portés par les territoires.L’efficacité du SPASER implique que les acheteurs se l’approprient pleinement et que les fournisseurs soient accompagnés pour favoriser pleinement la transformation du territoire.
Ainsi, travailler en transversalité est une clé pour aboutir à un SPASER de qualité et qui sera suivi d’effets. Le temps de la concertation est conséquent et peut impliquer les services de restauration, du développement durable, de l’insertion et même les usagers (parents d’élèves, résidents…).