L’impact de la SNANC sur la restauration collective publique

En avril 2025, la France a lancé la consultation publique de sa Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC), après près de deux ans de retard par rapport au calendrier initial de juillet 2023.
Cette consultation, qui s’est déroulée du 4 avril au 4 mai 2025, marque une étape importante dans l’élaboration d’une feuille de route alimentaire à horizon 2030. Une démarche qui concerne directement les collectivités locales, les établissements scolaires, médico-sociaux et l’ensemble des acteurs de la restauration collective.
Une stratégie aux objectifs ambitieux
La SNANC fixe les grandes orientations du Gouvernement pour une alimentation saine et durable d’ici 2030. Ces orientations seront concrétisées à travers le prochain Programme national nutrition santé (PNNS 5) et le Programme national de l’alimentation (PNA 4) sur la période 2025-2030.
Il s’agit donc d’une stratégie visant à répondre à des enjeux convergents : santé publique, protection de l’environnement, souveraineté alimentaire ou encore juste rémunération des producteurs. Son déploiement doit se faire à l’échelle des régions et s’étendre aux territoires ultramarins. La SNANC s’inscrit dans la continuité de la loi Egalim de 2018, tout en élargissant la perspective à l’ensemble du système alimentaire français.
💡 Le projet de la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat 2025 / 2030 peut être téléchargé sur le site du Ministère de l’Agriculture.
La plupart des acteurs impliqués reconnaissent une prise en compte affirmée des attentes des français dans ce projet SNANC. L’approche interministérielle est également le signe d’une volonté de proposer des solutions globales face à la diversité des enjeux (santé publique, nutrition, emploi, souveraineté alimentaire etc.). Par ailleurs, le projet comporte des caps clairs, comme la consommation de produits biologiques qui vise les 12% du total en valeur pour l’ensemble de la population, tous circuits confondus.
…Mais aux moyens limités
Cependant, le projet fait l’objet de critiques importantes de la part des associations environnementales et de santé publique. De nombreuses organisations, telles que le Réseau Action Climat (RAC) ou la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), ont notamment déploré l’absence d’objectifs chiffrés contraignants, particulièrement sur la réduction de la consommation de produits issus de l’élevage ou encore concernant la régulation de la publicité alimentaire auprès des plus jeunes.
Par ailleurs, des voix s’élèvent concernant le niveau des investissements dans les Projets Alimentaires Territoriaux, dont les résultats sont fortement corrélés aux moyens mis à disposition.
La stratégie gagnerait également à préciser des indicateurs de suivi, par exemple dans le domaine de la restauration commerciale (ex : intégration de produits BIO ou SIQO), l’atteinte des objectifs ne pouvant être garantie par les dispositifs d’autorégulation.
La SNANC se présente ainsi davantage comme un cadre d’orientation que comme un plan d’action contraignant, privilégiant les engagements volontaires aux obligations réglementaires.
Implications pour la restauration collective publique
Sans surprise, la restauration collective publique – déjà encadrée par la loi Egalim – voit ses orientations confirmées et précisées par la SNANC. Les gestionnaires d’établissements devront poursuivre leurs efforts sur plusieurs axes :
- Diversification des sources de protéines : réduction progressive de la place des produits carnés au profit des légumineuses, céréales complètes et alternatives végétales ;
- Approvisionnement local et durable : renforcement des liens avec les producteurs locaux et développement des circuits courts, en coordination avec les Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) ;
- Amélioration du suivi et de la traçabilité : respect des seuils Egalim (50% de produits durables dont 20% de bio), maintien d’au moins un menu végétarien par semaine dans les cantines scolaires, et développement d’indicateurs de performance nutritionnelle et environnementale.
Dispositifs d’accompagnement existants
Plusieurs outils sont d’ores et déjà disponibles pour accompagner la transition alimentaire dans la restauration collective :
- Les appels à projets annuels du Programme National pour l’Alimentation, dont le volet « Vers la SNANC » qui finance des initiatives locales (calendrier à vérifier selon les éditions) ;
- Le développement des Projets Alimentaires Territoriaux (PAT), soutenus par les Directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) et les conseils régionaux ;
- Les formations du CNFPT (Centre National de la Fonction Publique Territoriale), notamment les itinéraires « La qualité sanitaire des repas » et « Vers une restauration collective durable », ainsi que les formations spécialisées pour les acheteurs publics sur les marchés de restauration collective ;
- L’AMO pour les marchés de restauration collective par OptiMarché, en accompagnement des collectivités françaises et des établissements du secteur public dans la mise en œuvre de stratégies d’achats durables et locales.
Le secteur public en avance, le privé désormais sollicité
Innovation notable de la SNANC : l’intégration explicite de la grande distribution et de la restauration commerciale dans les orientations nationales. Si ces acteurs privés sont déjà soumis à certaines obligations (loi Garot sur le gaspillage alimentaire, réglementation sanitaire), ils n’avaient pas jusqu’ici d’objectifs spécifiques en matière d’alimentation durable, contrairement au secteur public qui est soumis depuis 2019 aux obligations plus étendues de la loi Egalim.
Cette évolution marque une reconnaissance implicite du chemin parcouru par la restauration collective publique (malgré des taux d’atteinte très variables d’un établissement à l’autre), qui fait désormais figure d’exemple. Alors que de nombreux établissements de santé, cantines scolaires et autres administrations sont déjà parvenus à appliquer les critères imposés (50% de produits durables, 20% de bio, menus végétariens obligatoires), la SNANC invite enfin les acteurs privés à prendre leur part dans la transition alimentaire.
Bien que non contraignantes pour le secteur privé, ces dispositions ouvrent la voie à des engagements volontaires et des chartes de bonnes pratiques. L’objectif est de généraliser les pratiques vertueuses déjà expérimentées dans la sphère publique vers l’ensemble du système alimentaire français.
Le Nutri-Score dans l’impasse européenne
Malgré le soutien des associations de consommateurs et sa mention dans la SNANC, le Nutri-Score connaît un revers significatif. La Commission européenne a abandonné son projet de rendre cet étiquetage nutritionnel obligatoire au niveau européen, face à l’opposition de plusieurs États membres. En France même, certains industriels cessent de l’utiliser, illustrant les limites des dispositifs volontaires en matière de santé publique.
Perspectives et enjeux
La SNANC, une fois finalisée, proposera une direction claire sans imposer de contraintes réglementaires supplémentaires. Elle invite déjà les acteurs publics à s’inscrire dans une démarche de progrès continu, en cohérence avec les attentes sociétales et les engagements climatiques de la France.
Le succès de cette stratégie dépendra largement de la capacité des acteurs locaux à se saisir de ses orientations et à les traduire en actions concrètes, malgré des moyens financiers et humains souvent limités pour accompagner ces transformations.
Ainsi, la réussite des PAT et l’énergie déployée à l’échelle des établissements de restauration collective seront les clés d’une transition réussie vers un modèle alimentaire plus vertueux.