Les accords-cadres dans les marchés publics alimentaires : le guide
Lorsqu’il s’agit de garantir un approvisionnement fluide et efficace en denrées alimentaires et qu’un marché public en procédure adaptée ou formalisée est nécessaire, une technique d’achat sort du lot. Il s’agit des accords-cadres qui se distinguent comme une approche stratégique permettant d’apporter une réponse mieux adaptée aux besoins des collectivités et acheteurs publics. Ces accords-cadres permettent de présélectionner un ou plusieurs opérateurs économiques en vue de conclure un contrat établissant tout ou partie des règles relatives aux commandes à passer au cours d’une période donnée.
Définition et directives relatives à l’accord-cadre
L’accord-cadre, un outil contractuel couramment employé dans le domaine des marchés publics, est formellement défini à l’article L2125-1 du code de la commande publique. Il constitue donc une composante essentielle de la stratégie d’achat.
Plus concrètement, l’accord-cadre offre à l’acheteur public la possibilité de présélectionner des prestataires à l’avance, ce qui lui permet de passer des commandes ultérieures sans avoir à relancer un processus de mise en concurrence à chaque besoin. L’acheteur public est ainsi exempté des obligations de publicité et de concurrence lorsqu’ils publient. Les titulaires n’ont pas non plus à redéposer un dossier complet à chaque besoin.
L’accord-cadre apporte de nombreux avantages à l’acheteur public, notamment une plus grande réactivité dans la gestion de ses achats, ainsi qu’une visibilité accrue sur ses dépenses à long terme, facilitant ainsi la planification budgétaire. Pour les opérateurs économiques titulaires, il peut garantir un niveau minimum de commandes et une relation commerciale stable avec l’acheteur public.
La réglementation encadrant les accords-cadres
Le cadre légal des accords-cadres (Articles R2162-1 à R2162-14 du code de la commande publique) comporte quelques règles fondamentales :
- Non-discrimination : Les accords-cadres ne doivent pas être utilisés de manière discriminatoire ni anticoncurrentielle. Ils doivent garantir une procédure équitable et transparente, se basant uniquement sur des critères objectifs liés au contrat, pour permettre à toutes les entreprises intéressées de participer équitablement, évitant ainsi la création de monopoles ou l’exclusion de nouveaux acteurs sur le marché.
- Durée limitée : L’accord-cadre est conclu pour une durée maximale de 4 ans pour les pouvoirs adjudicateurs et de 8 ans pour les entités adjudicatrices. La limite de durée de l’ accord-cadre favorise une concurrence équitable et permet l’accès au marché à d’autres entreprises lorsqu’il arrive à échéance.
- Acheteurs désignés : Il est nécessaire de définir clairement les entités autorisées à passer des commandes dans l’accord-cadre. Seuls les services de l’ organisme public spécifiquement cités dans l’accord-cadre peuvent commander aux entreprises titulaires, sans possibilité d’ajout ultérieur, garantissant ainsi aux entreprises une collaboration avec les donneurs d’ordre initialement désignés.
- Commandes limitées : Seuls les titulaires de l’accord-cadre ont le droit de conclure des marchés subséquents et de recevoir des bons de commande pendant sa période de validité. Les commandes sont exclusivement réservées aux entreprises initialement sélectionnées comme titulaires de l’accord-cadre, pendant sa durée de validité. L’octroi de commandes à des sociétés extérieures à l’accord-cadre est proscrit, sauf cas particulier, et aucune commande n’est autorisée auprès des titulaires une fois l’accord-cadre échu.
- Procédure transparente : La passation de l’accord-cadre elle-même est soumise à des règles de publicité et de mise en concurrence. Avant de désigner les titulaires d’un accord-cadre, l’acheteur public doit se conformer à des exigences, notamment en termes de publicité et de délais. Toutes les entreprises répondant aux critères peuvent alors soumissionner pour décrocher le statut de titulaire de l’accord-cadre, dans le cadre d’une procédure équitable.
Les différentes formes d’accords-cadres
On distingue deux grandes formes d’accords-cadres :
L’accord-cadre qui n’établit pas l’ensemble des clauses contractuelles
Il s’agit de l’accord-cadre à marchés subséquents. Ce type d’accord-cadre ne prévoit pas l’intégralité des détails relatifs aux prestations à réaliser. Certains éléments pratiques significatifs, tels que les quantités ou les lieux de livraison, peuvent ne pas être précisément définis à sa réalisation. Ces aspects seront ultérieurement spécifiés dans des contrats complémentaires appelés « marchés subséquents » ou « contrats subséquents » (Articles R2162-2 et R. 2162-7 à R. 2162-12).
Ces marchés interviennent pendant la période d’exécution de l’accord-cadre pour finaliser les termes du contrat en fonction des besoins émergents. Ils permettent une adaptation progressive aux besoins, offrant ainsi de la flexibilité à l’acheteur public et aux fournisseurs. Cette solution permet aussi de mettre en concurrence, notamment sur le volet financier, les attributaires de l’accord-cadre afin de faire exécuter les prestations attendues par le meilleur titulaire.
Exemple : si un groupement d’achats souhaite répondre aux besoins de ses adhérents en matière d’entretien des vitres inaccessibles (en hauteur), il peut lancer un accord-cadre à marchés subséquents. Ainsi le groupement va procéder à la sélection de plusieurs opérateurs économiques en capacité de réaliser les prestations attendues. Puis chaque adhérent va pouvoir solliciter ces candidats présélectionnés pour avoir un devis conforme aux besoins spécifiques de leur établissement. Ainsi l’accord-cadre « pose un cadre » dans lequel les besoins des adhérents vont recevoir une réponse pertinente.
L’accord-cadre qui établit l’intégralité des clauses contractuelles.
Il s’agit de l’accord-cadre à bons de commande. Ce type d’accord-cadre établit dès le départ tous les détails des prestations requises : la nature précise des denrées alimentaires, les tarifs, les délais de livraison, les modalités d’exécution, etc. Les commandes se font ensuite au moyen de « bons de commande » conformément aux articles R2162-2 et R2162-13 à R2162-14 du code de la commande publique.
Dans ce type d’accord-cadre, tous les éléments sont minutieusement définis dès le départ, notamment les spécificités des denrées alimentaires requises, les prix, les conditions de livraison, etc. Une fois ce cadre complet établi, les commandes précises se réalisent au moyen de « bons de commande », au fur et à mesure des besoins particuliers qui surgissent pendant la période d’exécution. L’acheteur n’a alors plus qu’à préciser les quantités et les jours de livraison au fil du temps, sans avoir à se soucier des clauses fondamentales.
Exemple : un établissement scolaire souhaite se procurer des denrées alimentaires pour les repas scolaires sur une période de 3 ans. Dans ce type d’accord-cadre, les caractéristiques spécifiques à chaque aliment (comme le type de pain, le poids des légumes, etc.) sont définies dès le départ, ainsi que les prix, les conditions de livraison et les délais. Au cours de l’exécution de l’accord-cadre, l’établissement scolaire émettra des « bons de commande » pour préciser les quantités exactes de chaque denrée alimentaire requise pour chaque repas, sans renégocier les termes de base du contrat.
Quelles sont les différences entre les accords-cadres mono ou multi-attributaires ?
L’accord-cadre peut être conclu soit avec un unique opérateur économique (appelé accord-cadre mono-attributaire), soit avec plusieurs opérateurs économiques sélectionnés en même temps (appelé accord-cadre multi-attributaire). Le terme “opérateur économique” désigne les entreprises soumissionnaires.
Accord-cadre mono-attributaire
Dans cette situation, toutes les commandes effectuées pendant la période de validité de l’accord-cadre seront adressées exclusivement au titulaire unique, sans nécessité de relancer une procédure de mise en concurrence, sauf cas particulier.
Accord-cadre multi-attributaire
Plusieurs opérateurs économiques sont désignés comme titulaires de l’accord-cadre, et ils se partageront l’exécution des bons de commande sans nécessité de procéder à une nouvelle mise en concurrence. Les règles correspondantes sont obligatoirement définies dans le Cahier des Clauses Administratives Particulières (CCAP).
Lorsqu’il s’agit d’attribuer des marchés subséquents dans le cadre de cet accord-cadre multi-attributaires, une mise en concurrence est possible, selon les dispositions prévues. En effet, plusieurs prestataires sont sélectionnés dans le cadre de l’accord-cadre multi-attributaires à marchés subséquents. Dans ce contexte, ils devront se concurrencer à nouveau pour obtenir les différentes commandes spécifiques qui seront passées pendant la période d’exécution de l’accord-cadre. Chaque besoin déclenche une nouvelle mise en concurrence entre les titulaires pour déterminer lequel sera chargé de l’exécuter. Cette mise en concurrence, bien que simplifiée, perdurera tout au long de la durée de l’accord-cadre.
En revanche, dans le cas des accords-cadres multi-attributaires à bons de commande, il n’est pas nécessaire de procéder à une remise en concurrence. C’est l’accord-cadre qui définit les conditions dans lesquelles seront répartis les bons de commande.
Remarque : L’accord-cadre multi-attributaire à bons de commande se révèle être un instrument particulièrement pertinent pour les marchés de denrées alimentaires. Chaque achat déclenche la création d’un bon de commande. Toutefois, il convient de noter que cet outil juridique, adapté aux achats de denrées alimentaires, est recommandé pour des besoins annuels excédant 90 000 € HT en raison de la complexité de la procédure de mise en place.
Établissement d’un accord-cadre par l’acheteur
Pré-évaluation des besoins
Avant d’entamer toute démarche, l’acheteur public doit effectuer une estimation aussi précise que possible de l’intégralité de ses besoins pour toute la durée envisagée de l’accord-cadre. Cette évaluation globale déterminera la sélection de la procédure à mettre en place, qu’il s’agisse d’une procédure adaptée ou formalisée, en fonction des seuils de la commande publique. De plus, cette évaluation permettra aux entreprises candidates d’évaluer le montant global du contrat, ce qui aura une incidence sur son attractivité. Une évaluation insuffisante comporte le risque de biaiser le choix de la procédure et de sous-estimer le besoin, ce qui pourrait nuire à une concurrence saine.
Diffusion de l’accord-cadre et mise en concurrence
En fonction des seuils, la passation d’un accord-cadre implique la diffusion d’une annonce publique et d’une mise en concurrence, conformément à des règles similaires à celles qui s’appliquent aux marchés publics « traditionnels ».
Les principales procédures utilisables sont les suivantes :
- Procédure formalisée : c’est le cas par exemple de l’Appel d’Offres Ouvert, qui correspond à la procédure classique pour les marchés publics au-dessus des seuils européens.
- Procédure adaptée pour les marchés en-dessous des seuils européens (Article R2123-1) : La procédure adaptée est une méthode simplifiée que peuvent utiliser tous les acheteurs publics pour les marchés en dessous des seuils européens. Elle offre une certaine flexibilité à l’acheteur tout en garantissant des mesures de publicité visant à encourager la concurrence.
Structure et contenu de l’accord-cadre
L’accord-cadre prend la forme d’un unique document contractuel qui comprend au minimum les éléments suivants :
- Identification des parties contractantes
- Objet de l’accord-cadre
- Engagements mutuels tels que les prestations, les délais, les prix ou les modalités de détermination des prix, les modalités pour émettre des bons de commande et/ou conclure des marchés subséquents, ainsi que sa durée.
En somme, chaque accord-cadre est matérialisé par un contrat écrit qui énonce au moins les informations essentielles. Les deux parties contractantes s’engagent réciproquement, même si toutes les modalités spécifiques ne sont pas nécessairement détaillées dès le début. Il est impératif de s’assurer que toutes les informations fondamentales sont correctement définies dans le contrat.
Mise en œuvre des accords-cadres
L’exécution d’un accord-cadre peut revêtir deux modalités distinctes :
- Accords-cadres exécutés via des marchés subséquents : Lorsque l’accord-cadre initial ne spécifie pas toutes les conditions d’exécution des prestations, il est mis en œuvre par la conclusion de marchés subséquents (Articles R2162-2 et R2162-7 à R2162-12). Dans ces cas, les détails opérationnels tels que les quantités exactes, les plannings détaillés, ou des clauses techniques spécifiques sont précisés ultérieurement à travers ces marchés subséquents pour adapter les prestations aux situations concrètes.
- Marchés subséquents avec le titulaire unique : Lorsqu’un seul titulaire est désigné, les marchés subséquents lui sont directement attribués conformément aux termes de l’accord-cadre. L’acheteur peut éventuellement demander au titulaire de compléter son offre avant d’attribuer le marché subséquent (Article R2162-9). Cette approche simplifie le processus car le titulaire unique n’a pas à fournir une nouvelle proposition complète à chaque fois ni à justifier de ses capacités économiques et juridiques, mais peut simplement compléter son offre initiale pour des aspects spécifiques.
- Accords-cadres exécutés via des bons de commande : Lorsque toutes les conditions d’exécution sont définies dans l’accord-cadre, les prestations sont commandées au moyen de bons de commande, sans nécessité de remise en concurrence (Articles R2162-2, R2162-13 et R2162-14). Dans ce cas, les commandes précises sont passées par le biais de « bons de commande » émis en fonction des besoins ponctuels, sans qu’il soit nécessaire de relancer la compétition entre les titulaires. L’acheteur n’a qu’à émettre des bons de commande en spécifiant les quantités et les modalités d’exécution des prestations.
- Marchés subséquents avec remise en concurrence : Lorsqu’il y a plusieurs titulaires, une remise en concurrence est organisée selon des règles objectives énoncées dans l’accord-cadre (Articles R2162-10 à R2162-12). Le marché subséquent est attribué au titulaire ayant présenté l’offre économiquement la plus avantageuse. Dans le cas d’un accord-cadre multi-attributaire, les prestations sont soumises à une nouvelle compétition à chaque besoin, obligeant les entreprises à soumettre de nouvelles propositions pour chaque marché subséquent.
Avantages, inconvénients et risques associés aux accords-cadres
Les accords-cadres offrent de nombreux avantages pour les acheteurs publics, ils permettent :
- La sécurisation des approvisionnements à long terme
- La flexibilité : la possibilité d’adapter les commandes aux besoins en cours
- La simplification des procédures post-conclusion initiale
- L’optimisation des budgets
Ainsi, l’accord-cadre présente divers atouts, assurant une présence continue de fournisseurs identifiés pour répondre aux besoins de l’acheteur à long terme. De plus, une fois que l’accord-cadre est en place, les formalités administratives sont simplifiées pour la passation des commandes ultérieures.
Néanmoins, l’utilisation d’accords-cadres peut également entraîner des inconvénients et des risques potentiels, tels que :
- La complexité de la préparation des besoins à long terme (potentiellement) ;
- La difficulté de modifier les prestations en cours d’exécution ;
- L’obligation de définir un montant maximum ;
- Le risque de dépendance envers les titulaires ;
- La difficulté à estimer ses besoins sur une période de 4 à 8 ans ;
- La limitation des opportunités de mise en concurrence pendant l’exécution.
En qualité d’assistant à la maîtrise d’ouvrage, OptiMarché vous accompagne quotidiennement dans la gestion efficiente de vos procédures de marchés publics.