Alimentation à l’hôpital public : entre objectifs et réalités
Alimentation à l’hôpital public : entre objectifs et réalités, l’écart est parfois grand, et la situation revêt de nombreux enjeux. Différents acteurs s’y impliquent intensément, comme le Réseau des Acheteurs Hospitaliers, le Conseil National de l’Alimentation, les pouvoirs publics etc.
Les repas servis dans le secteur de la santé, estimés à un milliard et demi de repas par an, en milieux hospitalier et médico-social, doivent avoir un apport nutritionnel pour aider les patients dans leur rétablissement. Ils sont soumis à une réglementation précise, puisque la bonne nutrition est un objectif majeur sur le plan national. L’hôpital public doit également faire face au gaspillage alimentaire. Néanmoins, l’image des Français de l’alimentation à l’hôpital public reste négative.
Enjeux et implications
L’un des enjeux majeurs est d’ordre médical bien évidemment. L’alimentation à l’hôpital a en effet été pointée comme l’une des raisons de l’apparition ou de développement de la dénutrition ; cette dernière induit l’évolution de certaines pathologies.
Enjeux
L’incidence de la dénutrition ne se rapporte pas seulement aux patients et à l’aspect médical. Elle se répercute sur les coûts également, puisqu’elle entraîne de plus longues hospitalisations, voire de devoir séjourner à nouveau à l’hôpital après en être sorti. La perte économique enregistrée s’alimente aussi du gaspillage alimentaire. En effet, les plats sont jetés sans avoir été consommés et ce car ils ne répondent pas au goût des patients. Soulignons que 330 000 tonnes d’aliments d’une valeur de 750 millions d’euros sont gaspillées annuellement.
Outre les deux enjeux médical et économique, il existe un enjeu politique. En effet, il incombe aux pouvoirs publics de re-valoriser l’alimentation dans l’hôpital public et de faire en sorte qu’elle ait une véritable importance. Ils peuvent également inciter les établissements à une meilleure qualité alimentaire et les encadrer dans ce sens.
Rôle des pouvoirs publics
Les pouvoirs publics ont pour mission de veiller à la cohérence des mesures décidées par les parties prenantes concernant l’alimentation hospitalière. Rappelons que la revalorisation de l’alimentation sert le secteur de la santé sur plusieurs plans. Elle conduira à l’amélioration de l’image de l’hospitalisation chez les patients et renforcera l’attractivité des hôpitaux. Une déclinaison de la revalorisation de l’alimentation dans le milieu hospitalier retentit sur le personnel de cuisine qui en sera lui-même valorisé. S’en suivra également une meilleure offre.
Lutte contre le gaspillage
Par ailleurs, une alimentation mieux acceptée par les patients est un excellent moyen de lutte contre le gaspillage alimentaire. Dans ce cadre, il est essentiel de souligner qu’un patient hospitalisé n’est pas toujours disposé à faire ses propres choix. Un aspect sociétal s’ajoute alors aux précédents enjeux, celui d’offrir aux patients confort et réconfort en prenant en compte leurs goûts et leurs choix en matière d’alimentation. Il ne s’agit pas de luxe, mais de soin car le bien-être est nécessaire à la convalescence.
Constat et réalité
Le bien-être du patient et sa satisfaction comme objectifs de l’alimentation dans l’hôpital public semblent avoir été omis. Et pour cause: l’alimentation semble être perçue comme une simple question de logistique sans grande importance. Néanmoins, cela ne s’arrête pas là.
Les lacunes
En effet, de nombreux facteurs ont conduit à cet oubli. On dénombre par exemple le manque de formation, les exigences se rapportant aux métiers de chaque acteur dans la chaîne et la mauvaise communication entre les professionnels. L’organisation dans le secteur en est alors compartimentée au lieu d’être globale et fluide.
Par ailleurs, le service des plats étant fixé à des horaires précises, cela représente une contrainte environnementale. Aussi, le personnel chargé du service ne témoigne pas toujours la même chaleur humaine connue dans la restauration hôtelière et commerciale. Il manque en effet de temps à consacrer au service puisqu’il est chargé d’autres tâches relatives aux soins.
Ressenti des patients par rapport à l’environnement
Selon le guide « Pour une meilleure nutrition dans le secteur de la santé » élaboré par le Réseau des acheteurs hospitaliers, le ressenti du patient se départage comme suit : 40% concernent l’environnement proche de la prise des repas (vaisselle, plateaux…) et 40% l’environnement large comme le lieu de restauration, le mobilier, l’éclairage, etc. 20% du ressenti se rapportent aux aliments servis et aux repas.
Pourtant la question de l’équilibre nutritionnel nécessaire au rétablissement devrait être primordiale dans le milieu hospitalier. Aussi contradictoire que cela puisse paraître, l’hôpital semble parfois négliger l’aspect alimentaire qui constitue pourtant un facteur important lui permettant d’atteindre ses objectifs curatifs, palliatifs et d’hospitalité.
Entraves et possibilités
Il existe une inégalité et des différences entre les différents établissements hospitaliers publics à cause du peu de normes nationales exigées. La qualité de l’alimentation est alors directement liée à la gestion de l’hôpital lui-même et à ses moyens financiers.
Entraves
Les dépenses et les budgets étant compartimentés, il est nécessaire de redessiner le modèle économique de l’hôpital pour faire évoluer l’alimentation en milieu hospitalier. L’appréhension des économies possibles en matière d’alimentation au lieu de la considérer comme de simples achats est nécessaire dans ce cadre. Cela implique aussi des prestations adaptées. Ainsi, les frais de l’alimentation doivent être étudiés en se basant sur une approche en coûts complets. Il est également pertinent de fixer un budget minimum pour l’achat alimentaire.
En parallèle de la réorganisation budgétaire, celle des prestations doit être menée. Elle inclurait la baisse du nombre de régimes alimentaires et la distinction des différents types de malades. Cela servirait à replacer le patient au cœur du fonctionnement pour mieux répondre à ses besoins et à ses envies. Dans ce cadre, l’adaptation des menus aux profils des patients, leurs âge, pathologie, envies etc. est nécessaire. Il est également préconisé de former le personnel impliqué dans l’alimentation en milieu hospitalier.
Formation du personnel
Cette formation se décline en plusieurs aspects. Elle est relative à l’importance alimentaire dans le pronostic des patients et à l’importance nutritionnelle. Le personnel doit aussi être formé à l’aspect convivial du service des repas, mais aussi à l’organisation de l’hôpital dans sa globalité pour instaurer une communication positive se rapportant au repas. Replacer le métier de cuisinier au centre du projet nutritionnel contribue aussi à valoriser le secteur et à améliorer la qualité.
Ainsi, l’alimentation en hôpital public dépasse la dimension organoleptique pour entrer dans la sphère de la convivialité, du symbolique, du bien-être, du confort et du réconfort, voire même du plaisir. Il est essentiel alors que les parties prenantes la repense ainsi afin d’en améliorer l’image, mais surtout d’être à la hauteur des attentes des patients et d’atteindre les objectifs des établissements hospitaliers dans leur globalité.